Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 8e atelier



Description neutre / description subjective

1) Un phare à la pointe d’une terre, une terre de rochers jaunes avec quelques buissons verts qui brûlent au soleil. Un phare avec vue sur la mer, une mer bleue, calme. Et au loin, laissant des sillons d’écume, six bateaux à voiles qui partent vers le large.

2) Je m’ennuie. Il ne se passe jamais rien sur ce rocher. Ce soleil m’écœure. Je finis par voir tout en jaune. Même cette mer bleue n’y change rien. Et puis j’en ai assez de cette mer, de son bruit lancinant, de cet air iodé qui fait friser les cheveux et qui me pique le nez. Je m’ennuie. Et ces voiliers qui ne cessent de passer chaque jour. Je n’ai jamais compris que l’on aime naviguer dans une coquille de noix. Et ce phare dont le faisceau, chaque nuit, m’empêche de dormir. Vivement qu’elles se terminent ces vacances !
Sabine

1) Au centre une promenade de bord de mer faite de lattes de bois.
A droite, un café restaurant. Bâtisse d'un étage. Au rez de chaussée la salle, en haut le logis des gérants avec balcon en bois donnant sur la plage. Devant le café, une terrasse : des siège de plastique marron et beige imitant le bois et le rotin sont installés sous des palmier jaunis.
Plus au loin toujours sur la droite un bâtiment de cinq étages plus imposants avec un toit d'ardoise, en rotonde à l'angle.
Des lampadaires blancs scandent la promenade
Sur la gauche une plage de sable jaune sur laquelle on aperçoit des cages de but, et plus loin un bâtiment blanc de plain-pied avec des moulures de portes bleu ciel.

2) La promenade est déprimante! On comprend dès que l'on aperçoit la terrasse du minable café restaurant avec ses sièges en plastique de mauvais goût, piètres imitations de sièges de rotin et d'acajou, que la population qui fréquente ce lieu n'a rien de raffiné. L'impression est d'ailleurs tristement confirmée lorsque l'on constate avec effroi ce que la municipalité a fait de la plage de sable grossier : une approximation de terrain de football! Seuls les lampadaires blancs confèrent quelque hauteur à ce lieu déprimant de bassesse.
Pascal

1) Une rangée d'immeubles le long d'un trottoir, séparés de la rue par des portiques en bois blanc. Sur un pignon de briques rouges, est posé un gros pot rouge brillant. Un autre pignon est surmonté d'un petit toit pointu en ardoise. Les immeubles ont tous des balcons étroits. L'un est dans les tons bleus, le deuxième rose et beige, le troisième est marron. Le trottoir est fait de grandes dalles grises. Le ciel bleu pâle est dégagé.

2) Cette charmante petite rue, typique des villes normandes de bord de mer, recèle des merveilles d'architecture traditionnelle. Les sobres couleurs des murs sont relevées par une explosion de rouge au premier plan sous la forme d'un pot de fleurs véritablement révolutionnaire, tant par sa couleur que par son audace à trôner ainsi sans contenir la moindre fleur! Plus loin, un charmant petit toit en ardoise imite malicieusement ses grands frères des immeubles. Du lierre court sur un mur, ondée récente fait briller le trottoir, et déjà on sent que le soleil va venir réchauffer ces vieux murs pleins de sagesse. C'est une rue pleine de promesses.
Vanessa

La première fois

Tout mes amis me l'avais recommandé : "Tu verras, une thalasso, c'est extraordinaire. Ça va te recharger les batteries. Et tu sembles en avoir bien besoin."
Je suis un être occasionnellement crédule et il m'arrive ainsi de faire confiance à l'opinion de ces personnes de mon entourage qui ne tarissent jamais de conseils à me prodiguer pour améliorer ma vie, ces personnes bien intentionnées qui se réjouissent quand elles me trouvent fatigué ou stressé car je leur offre ainsi la possibilité de m'apporter un secours que je ne souhaite pas. En d'autres circonstances je me serais contenté de feindre curiosité et intérêt pour ces suggestions mais cette fois-ci, profitant de l'occasion d'un séjour bien mérité à Biarritz (par principe, je mérite toujours les plaisirs et récompenses que la vie m'octroie généreusement), je décidai, dans un pur esprit d'expérimentation scientifique, de mettre à l'épreuve l'opinion répandue selon laquelle une thalassothérapie équivaut à un bain de jouvence.

A peine arrivé dans le superbe hôtel quatre étoiles que j'avais pris le temps de sélectionner pour son prix attractif, une fois mes valises défaites et le minibar minutieusement inspecté, je me précipitai au centre de Thalasso pour m'inscrire. La moyennement jeune femme en blouse blanche qui m'accueillit montra un enthousiasme très discret pour me présenter ses formules de soins anti-âge. Je décidai d'opter pour la formule "découverte en douceur", formule comprenant un enveloppement d'algues, une séance collective de lagon de relaxation et un soin individuel en bain à remous assorti de chromothérapie. Le rendez-vous fut pris pour le lendemain matin.
A l'heure convenue, j'arrivai, plein d'espoir, dans le centre de rajeunissement, lieu évoquant l'atmosphère feutrée du service de gériatrie d'une clinique privée cossue. On pouvait, à la réception et dans les couloirs qui en rayonnaient, suivre la lente progression de troupeaux épars de fantômes. Toutes ces silhouettes blanches me fascinaient. Il y avait d'une part le personnel des lieux, en blouse blanche immaculée, qui, s'efforçant d'afficher un sérieux tout paramédical, exsudaient en réalité un ennui profond hautement contagieux. On les distinguait nettement des clients, pour la plupart des habitués du centre, vêtus, comme moi, de peignoirs blancs, qui auraient tous pu être sélectionnés pour figurer dans la brochure publicitaire du centre... dans la rubrique "avant" ; en effet, aucun spécimen de curiste se présentant à ma vue n'aurait décemment pu être exploité, dans la rubrique "après", pour y vanter avec conviction les effets rajeunissants des soins . Mais qui était donc cette jeune femme mince et souriante qui illuminait de son sourire les affiches recouvrant, ça et là, l'indécente nudité des murs?
Du fait du cadre rendu inhospitalier par son ambiance quasi-hospitalière et en raison de la silhouette décatie des clients, mon état émotionnel se situait, en ce début de matinée, à mi-chemin entre l'excitation d'un adolescent se rendant à son premier rendez-vous amoureux et l'anxiété d'un patient s'apprêtant à se faire arracher une dent de sagesse.
On m'appela pour mon premier soin: l'envellopement. Je fus accueilli par une femme très enrobée qui ne semblait pas maitriser la langue vernaculaire et dont la voix éraillée trahissait de longues années de tabagisme consciencieux. Faute d'une langue partagée, il me fut impossible de m'enquérir auprès de cette spécialiste de la vie saine sur la provenance des algues malodorantes dont elles me badigeonnait généreusement le corps. Le soin dura vingt-cinq minutes : cinq minutes de badigeonnage et vingt minutes à attendre allongé, seul dans le noir, enveloppé, tel un Toutankamon des temps modernes, d'une couverture chauffante. De toute évidence, il s'agissait là d'un avant-goût de ce que le troisième âge me réservait. L'enveloppement fut double car, en plus des algues, c'est l'ennui qui m'enveloppa très rapidement. Je me mis donc à rêver à tous ces merveilleux bienfaits dont j'allais indubitablement profiter dans le très évocateur lagon de relaxation.
Mon travail intense d'imagination et d'anticipation eut pour fâcheux effet d'entraîner chez moi une déception profonde lorsque je m'aperçus que ledit lagon de relaxation n'était autre qu'une piscine d'eau salée dans laquelle, durant vingt-cinq minutes, j'allais devoir flotter tel un sac en plastique sur la Seine . Je ressentis après quelques secondes un fort mal de mer et très rapidement je commençai à m'impatienter : on se sent vite cornichon à mariner ainsi dans de l'eau salée. Je plaçais donc tous mes espoirs dans la promesse enchanteresse des divines vingt-cinq minutes de bain à remous avec chromothérapie.
Je ne dirais pas que mes espoirs furent déçus, car ce qui m'attendait, faute de répondre à mes attentes, ne manqua pas de me surprendre. Je me retrouvai assis dans une baignoire bouillonnante à peu près aussi silencieuse qu'une terrasse de café en bord de route nationale, et j'étais illuminé, tel un sapin de Noël, par des lampes multicolores qui coloraient l'intérieur de mon caisson infernal, évocation plus évidente de la surboum d'un adolescent boutonneux que d'un lagon subtropical. Au grand étonnement de la technicienne qui vint me délivrer en fin de soin, ce joli spectacle son et lumière ne me permit ni d'atteindre ni même d'entrapercevoir le nirvana escompté.

Bref, très vite la thalasso me lassa. Ma démonstration était implacable : mes amis s'illusionnaient sur les bienfaits des soins marins... La thalasso, c'est dans la tête !

Il y a certes toujours une première fois à tout mais ce souvenir n'est pas forcement évoqué avec nostalgie, surtout quand on a décidé que cette première fois constituerait également la dernière.

Pascal