Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 10e atelier


Texte à trous


Un jour, l'éléphant de l'empereur décida de s'époumoner. Il commença par éteindre les étoiles. À ce moment-là, il y eu un éternuement. C'était très étonnant. Alors l'empereur se mit à errer. C'est ainsi que l'éléphant devint éclaireur.

Un jour, le loup du lac décida de se libérer. Il commença par limer le lien. À ce moment-là, il y eu un lézard. C'était très louche. Alors le loup se mit à lutter. C'est ainsi que le loup devint libre.

Un jour, le lamantin du Liban décida de léviter. Il commença par limoger le limité. À ce moment-là, il y eut un lézard. C'était très libérateur. Alors le lamantin se mit à larmoyer. C'est ainsi que la loupiotte devint lumière. 

Un jour l'éléphant de l'électricien décida d'écrire. Il commença par égrainer l'emmental. À ce moment-là, il y eut un éclair. C'était très émouvant. Alors l'éléphant se mit à éternuer. C'est ainsi que l'érudition devint épiphanie. 


Jeu oulipien ABA


Déjà tout petit, il voulait être pompier.
Il aimait la couleur rouge et quand ses grands parents l’emmenaient dans la forêt, il courait après les mulots en criant : pin pon ! pin pon ! … Puis en grandissant, il massacra les mulots, martyrisa les écureuils.
L’étape suivante consista pour lui à brûler des petits animaux morts qu’il ramassait dans la forêt.
Ce qui devait arriver arriva : il se fit pincer. Le jour du jugement arriva. On le déclara inapte. Inapte à vivre en ville, en société, bref il était condamné à disparaitre.
Vu le manque de place, son choix était fait, ça sera la crémation.


Caroline, échevelée, le rouge aux joues, furibonde, entra en trombe dans le bureau de sa chef.
Devant sa colère, celle-ci lui fit un grand sourire et lui annonça qu’elle évoluait au poste supérieur, avec évidemment la rémunération appropriée.
Elle sortit les flûtes à champagne, car elle n’avait plus de verre à pied.
Et c’est sur un ton goguenard, qu’elle avoua à Caroline, qu’elle avait, aussi, pensé à elle pour une mise à pied, mais que, devant le manque de personnel, elle s’était résolue, à contrecœur, à la promouvoir.
Les deux femmes se resservirent un verre de blanc, trinquèrent et continuèrent à boire en silence.


Lucie écrivait avec son moignon sans se soucier du qu'en dira-t-on. 
Elle notait les différentes étapes de sa recette secrète, transmise de génération en génération mais que personne n'avait encore réalisée : la potion d'immortalité. 
Il manquait à Lucie un ingrédient pour sa potion magique. 
Son arrière-grand-mère avait trouvé le venin de basilic, sa grand-mère le sang de salamandre ; à son tour elle allait ajouter un ingrédient, le dernier, qui rendrait enfin la potion efficace ; et pour cela elle se rendit au gibet. 


Car sous les arbres des pendus poussent les joncs d'immortalité
Ses idées se bousculaient dans sa tête et il avait bien du mal à se faire comprendre
Ses explications étaient claires pourtant, mais leur mauvaise foi était à pourfendre. 
Il n'aimais pas se retrouver parmi tous ces bavards, car il n'avait jamais rien à leur dire. 
Maintenant il bégayait et perdait pied dans des réflexions alambiquées, il se sentait tel un corbeau hagard ayant lâché son fromage contre les assauts de ces renards. 
Oui, décidément, il avait trop bu, il lui suffisait de voir l'air hilare de ses camarades pour le savoir.


La bouteille trainait sur la moquette, tentatrice de ses nuits, promettant une belle gueule de bois au petit matin. 
Rongé par la culpabilité, il ne pouvait se permettre de s'enivrer pour la soirée d'anniversaire de sa nièce. 
Jamais tante Julie n'aurait toléré un tel laisser-aller. 
Alors il ramassa la bouteille pour la ranger dans le frigo, plaça le tire-bouchon dans le tiroir et prit les clés de la voiture. 
Il était fier d'avoir résisté à ses pulsions alcooliques. 
Il posa les mains sur le volant. 


Écrire une histoire à plusieurs


Il rentra chez lui, ce jeudi soir, alors que les cloches de l’église voisine venaient de sonner neuf fois. Il s’aperçut que le radiateur du salon ne fonctionnait plus. Il en fut fort contrarié, car étant très frileux, il aimait maintenir la température de son appartement à un niveau élevé. Cela lui rappelait, aimait-il le répéter à ses amis, lorsque ceux-ci se rendaient chez lui, la douce moiteur de la forêt amazonienne, où il avait vécu six mois pour un reportage photo.

Immédiatement, il appela le gardien de l’immeuble afin de lui manifester son mécontentement. "Mais Monsieur lui répondit celui-ci, il n’y a pas que le radiateur de votre salon qui ne fonctionne pas, nous sommes au mois d’août, le chauffage est coupé depuis le début du mois d’avril et il fait trente-quatre degrés à Paris. C’est déjà une température difficilement supportable, même pour moi qui suis originaire du Brésil."

Il comprit donc que le gardien ne lui serait d’aucun secours. Agacé, il prit sa tente, son duvet et traversa tout Paris pour rejoindre la serre tropicale du jardin des plantes. Vu l’heure tardive, le jardin était fermé et il ne put donc atteindre son objectif. Il planta alors sa tente sur une bouche de métro, pour profiter de la chaleur de la station. Voilà cinq ans que Marcel est SDF à la gare d’Austerlitz. Il ne se plaint pas, il a chaud et il peut se rendre en journée dans les serres tropicales, dans lesquelles il se remémore, avec nostalgie, l’époque heureuse de ses reportages en Amazonie. Arrêtez-vous cinq minutes pour lui parler, il en a long à raconter.

Hélène, Pierre, Éric 


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Albert venait de s'endormir quand un vacarme assourdissant l'arracha au sommeil. Il se dressa d'un bond, fut pris d'un vertige et dut se rasseoir un instant. Le bruit sourd qui l'avait réveillé ne se répéta pas ; mais il entendait des bruits dans l'escalier, des portes qu'on déverrouillait, des cris de "qu'est-ce qui se passe", "c'est quoi ce bordel?" Il pressa le bouton de sa lampe de chevet, mais elle ne s'alluma pas. 

"Maman !" ne peut-il s'empêcher de crier. Heureusement, dans le tumulte personne n'entendit le voyageur de commerce de cinquante ans appeler ainsi à l'aide. La génitrice ainsi appelée ne s'étant pas manifestée dans la chambre d'hôtel de son fils, celui-ci décida quand même de se lever pour aller aux nouvelles. Il tâtonna un instant pour retrouver ses savates, prit ses précieux échantillons. Toujours en pyjama impeccablement repassé, il décidé d'affronter le palier de sa chambre d'hôtel. À peine la porte franchie, il fut englouti par un tourbillon de personnes en habit de nuit, hurlant, trépignant, en venant aux mains, essayant de gagner les ascenseurs. Le garçon d'étage, essayant de ramener le calme parmi les clients, fut bousculé et ignoré. 

Une âpre fumée dansait du bas des escaliers, virevoltait telle une gitane se rapprochant de tous ses charmes des passagers en dérive de cet hôtel clandestin. Sans papiers votre destin est souvent scellé, Albert le savait et se concentrait sur des visions enneigées, paisibles et transcendantes. les gens commençaient à crier, à se bousculer, heurtaient le mur du couloir sans fin, sans fin et sans vitres, aucune issue sauf cet escalier dont les étages précédents, déjà rendus en cendres, donnaient sur un brasier. Alors les flammes ruisselèrent, montant vers les murs et le plafond. Le reflet de leurs langues imprégnait son regard. Albert sourit, puis, sans comprendre, se jeta dans le gouffre de ce brasier.

Vanessa, Manuel, Loïc

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Theresa s’ennuyait.
Elle s’ennuyait le jour, elle s’ennuyait la nuit. Le jour, elle avait bien ses petites habitudes : Trouver dans ses armoires une robe, que les personnes qu’elle allait rencontrer ne verraient qu’une fois, courir au petit matin dans les rues vides, aller au travail, présenter des rapports, argumenter ses positionnements, parler des ‘’ bonnes pratiques’’, s’énerver parfois contre ses supérieurs dont elle jugeait les pensées archaïques… Pourtant, elle s’ennuyait. Elle essayait bien de ne pas le montrer, mais elle s’ennuyait.

Un jeudi matin pourtant, elle fut surprise en pleine rêverie, d’un hypothétique voyage dans les froids norvégiens qu’elle n’effectuerait certainement jamais, par Miguel, son collègue qui dirigeait le pôle ‘’Développement des Partenariats Internationaux’’. Celui-ci l’avait discrètement observée durant quelques minutes et la trouvait magnifique dans sa jolie robe bleue cintrée par un ruban de satin.

‘’Je t’offre un café ?’’, lui proposa-t-il. Elle accepta du bout des lèvres et suivit Miguel à la machine à café. ‘’Que fais-tu pour les vacances?’’, lui demanda-t-il. Et, sans attendre la réponse, plongea dans une litanie sur ses voyages exotiques et son goût pour les plages tropicales. Il se surpassa, en lui narrant, rigolard, l’histoire de quelques amis partis en vacances au Danemark. ‘’Et pourquoi pas en Norvège’’ s’exclama-t-il, ‘’les femmes doivent-être comme des glaçons dans ces contrées’’. Mon Dieu! Pauvre de moi ! Il est d’un ennui ce Miguel…
Agnès, Hélène, Pierre 


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Adèle avait installé sa charrette place Daumesnil, à son endroit habituel devant la Société Générale. En ce jour de printemps, elle était plutôt d'humeur joyeuse et s'apprêtait à servir ses clients en fruits et légumes, comme elle le faisait depuis si longtemps. 
C'est à ce moment qu'une petite fille se présenta devant elle et lui demande très poliment : 
- Je voudrais les quatre saisons, s'il vous plaît, Madame. 
- Pardon ? lui dit Adèle, interloquée, mais ma petite, je vends des fruits et légumes. Que me demandes-tu là ?

Bon, alors je vais te servir des asperges printanières, des fraises d'été, des marrons d'automnes et des endives d'hiver. Voilà, tu as bien les quatre saisons. 
Satisfaite, la petite fille va chez le disquaire et lui réclame les Quatre Saisons de Vivaldi. 
Rentrée à la maison, elle commence à éplucher ses légumes en écoutant son nouveau disque.
Cependant, quelque chose la chagrine, et comme elle a besoin d'avoir la solution à son trouble, elle décroche le téléphone. 

- Allô, Monsieur Météo ? Je voudrais savoir si on peut être à la fois en hiver, en été, au printemps et en automne. 
- Quoi ! 
- Je ne supporte pas de choisir. Je veux les quatre saisons en même temps. 
- Tu n'as que ça à faire, de déranger les grandes personnes avec tes blagues idiotes ? Va regarder la télé et laisse-moi tranquille. J'ai du travail. 
Et Monsieur Météo raccrocha. 
Ainsi s'acheva la quête de cette bizarre petite fille. 

Pierre, Eric, Vanessa


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La comtesse Irina tapa sur la vitre de la luxueuse Bentley. Son chauffeur Hervé toucha sa casquette et ouvrit la vitre de communication. 
- Est-ce que nous arrivons bientôt ? s’impatienta-t-elle. 
L’homme éleva la voix pour couvrir le bruit du moteur. 
- On ne devrait plus être loin, Madame la Comtesse. La comtesse soupira dans son élégant manteau de fourrure. 
- C’est que nous sommes attendus, Hervé. Nous devons arriver avant la tombée de la nuit. Le chauffeur jeta un coup d’œil à la colline qui s’étendait devant eux. 

Il n’était pas à convaincre, Hervé, d’arriver avant la nuit, de passer l’orée du bois et gravir la colline avant que la pâleur de la lune étende son voile lacté sur la vallée et que les bêtes grises et sombres s’éveillent et partent à l’affut du sang. 
Les vitres fermées de la Bentley protégeaient parfaitement sa maîtresse du feu ardent des rayons du jour. Plus de quarante sept ans qu’il la servait avec dévotion en espérant qu’un jour elle lui octroie l’immortalité des ses crocs acérés. 

Soudain, Irina s’écria : 
- Hervé, je ne sais pas ce qu’il m’arrive mais je ne me sens pas bien du tout ! 
- Mais Madame la Comtesse, nous y sommes presque. Regardez les beaux lévriers qui accourent à notre rencontre. Ils ont les crocs bien polis, le pelage digne et bien lissé. 
- Mais Hervé, dîtes-moi, qui suis-je ? A qui appartient ce manoir ? A qui sont ces bêtes ? 
La belle comtesse Irina retira son manteau de fourrure. 
- Hervé, débloquez la porte s’il vous plait, je veux sortir ! 
- Mais, Comtesse … ? 
- Hervé, faites ce que je vous dis ! 
La belle Irina retira ses épingles ; son chignon était défait et ses boucles de cheveux d’argent pendaient sur ses épaules. Elle se dévêtit complètement. 
 - Hervé ! Ouvrez-moi ces portes, obéissez-moi que diable ! C’est ici que je veux me reposer. 
Alors Hervé déverrouilla les portières et Irina sortit. Elle se mit à marcher dans l’herbe. Elle marcha droit devant elle jusqu’à disparaître.

Manuel, Loïc, Agnès




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Époisses, Roquefort, camembert, sa vie. Robert était fromager et fier de son métier. Il se levait tôt tous les matins pour installer son stand sur les marchés. Son jour favori : le mercredi, car son étal faisait face à celui d’Émilie, vendeuse de primeurs. 
Petits pois, carottes et fraises, sa vie. Emilie vendait des fruits et légumes, mais n'aimait pas son métier. Elle redoutait le froid de l'hiver et les grosses chaleurs de l'été. Son jour détesté : le mercredi, car son étal faisait face à celui de Robert. Elle ne supportait pas l'odeur du fromage. 

Pour corser cette comédie romantique, il faut mentionner également Jean-Claude, l'ex-mari d'Emilie, qui vendait deux stands sur sa droite des vêtements pour enfants et des ustensiles de cuisine tombés du camion. Il avait perdu son potager et son verger dans le divorce, mais plus que tout, Emilie lui manquait. Chaque mercredi, il faisait un maximum de bruit avec sa marchandise, criait comme un sourd et riait très fort avec les jolies clientes. Emilie n'en pouvait plus. Robert rêvait d'étrangler Jean-Claude. Jean-Claude était bien content de leur pourrir la vie à tous les deux. 

"Allons, poulette, ricanait Jean-Claude, tu vas pas en faire un fromage !" 
Emilie, bonne poire, encaissait sans rien dire. Elle finit quand même par aller voir Olivier, le responsable du marché. Sans lui raconter de salade, elle sut trouver la bonne carotte pour qu'il éloigne l'affreux Jean-Claude. Celui-ci, par le plus grand des hasards, se fit contrôler par la brigade des marchés. Les pandores le firent passer à la casserole après l'avoir laissé longuement mijoter.
Encouragée par ce succès, la belle jardinière se servit de son influence pour éloigner son fromager soupirant. Olivier changea l'ordre des étals et inséra un brave charcutier entre nos deux marchands.
C'est ainsi que, sur ce marché, on mange désormais de la choucroute entre la poire et le fromage.

Eric, Vanessa, Manuel