Acrostiches de Noël
Cachées à l’abri des regards gourmands,
Ou accrochées au sapin scintillant,
Nul ne connaît l’heure de la dégustation,
Finalement, devra-t-on vraiment attendre le réveillon ?
Il serait si raisonnable de réfréner ses envies,
Si sage de ne pas être perverti,
En réalité, que nous dicte notre cœur ?
Rien, si ce n’est que pour accéder au bonheur
Il suffit parfois d’une broutille – petite, mais pas rabougrie !
Et de céder à la tentation d’une
confiserie.
Hélène
Récits de rencontres à partir de faire-parts
Assise à la proue du bateau, les embruns caressant délicatement son visage, Marine regardait pensivement le soleil disparaître derrière la ligne d’horizon. Comme chaque soir depuis bientôt 18 ans -elle en avait aujourd’hui 22 – elle se demandait quand viendrait le moment pour elle d’accoster définitivement, de quitter le bateau de son père pour ne plus jamais y remonter.
Hélas, le père de Marine, le capitaine de vaisseau Olivier Josselin de Vouvray, célèbre dans le monde maritime pour avoir héroïquement repoussé une attaque de pirates dans l’océan indien en mai 2010, élevait sa fille dans la droiture et lui refusait tout écart dans ce qu’il considérait être une bonne éducation. Marine se désolait de cette situation et pleurait doucement, le soir venu, lorsqu’elle arpentait le pont supérieur de ce qu’elle appelait désormais sa prison flottante.
Un matin de décembre, alors que le navire s’approchait des côtes égyptiennes – Alexandrie était la prochaine escale –, Marine demanda à son père si, exceptionnellement, il l’autoriserait à descendre à terre afin de se promener dans le souk et de s’imprégner du parfum des épices qu’elle aimait tant. À sa grande surprise, son père accepta et lui accorda une heure de liberté.
Dans les allées sinueuses du souk, au milieu des marchands d’épices et de souvenirs bon marché destinés au prochain groupe de touristes, Marine se sentait vivre. Elle oublia bien vite ses tourments, faisant virevolter sa robe légère devant des Égyptiens ébahis et des touristes étonnés. Elle ne vit pas tout de suite le jeune homme, penché sur un sac d’épices, et qui appartenait à un groupe de Français en escale dans la ville. Elle continuait de tourner sur elle-même quand elle le percuta. Celui-ci tomba la tête la première dans un sac de cumin en poudre, ce qui rendit furieux le marchand et faillit étouffer le pauvre jeune homme.
« Oh ! Je suis affreusement désolée ! », s’écria la jeune femme en l’aidant à se relever et en essuyant son visage avec son délicat mouchoir. A sa tenue vestimentaire, elle devina qu’il était français. « Je m’appelle Marine » continua-t-elle, afin de dissiper la gêne qui s’installait. Le jeune homme, une fois débarrassé l’excès de la fine couche d’épice qui lui chatouillait les narines et lui brouillait la vue, fut immédiatement ébloui par la beauté de Marine. « Je m’appelle Antoine », bredouilla-t-il, retenant difficilement une envie d’éternuer. Ce qu’il fit. Cela fit beaucoup rire Marine, qui lui proposa de continuer la visite du souk en sa compagnie. Antoine accepta avec joie, trop heureux de ne plus subir les propos récités machinalement par leur guide. L’attrapant par le bras, Marine entraîna un Antoine encore reniflant au plus profond du souk.
Et c’est ainsi que, quelques mois plus tard, on put lire dans le carnet du jour du Figaro, l’annonce suivante :
M. Alain Vateau
Et Mme, née Delphine Le Blanc,
Le capitaine de vaisseau (e.r.)
Olivier Josselin de Vouvray
Et Mme, née Marie-Antoinette de Larivier
ont la joie de vous annoncer
les fiançailles de leurs enfants
Marine et Antoine
Hélène
Écrire sans réfléchir
pendule, chaise, poubelle, paradis, lunette(s), bouilloire
À l’ouest, toujours plus à l’ouest ! indique encore mon pendule. J’étais debout sur une chaise, au milieu du salon, et mon pendule s’agitait en tous sens au bout de mon bras. Cela faisait des mois qu’il m’indiquait l’ouest, toujours l’ouest. J’en avais tellement marre que j’étais prêt à le jeter à la poubelle. Je vivais un enfer, je savais maintenant que jamais je n’atteindrais ce paradis perdu qui m’attendait pourtant quelque part, j’en étais sûr. Peut-être qu’en regardant dans ma lunette, je verrais enfin l’île de mes rêves ? Alors, que vois-je… Ah, flûte, je n’aperçois qu’une bouilloire…
Hélène