Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 2e mercredi


À partir d'une image 




Quelle heure est-il? Est-ce un rêve ou suis-je éveillé? Autour de moi des coquelicots rouge sang à perte de vue semblent m'encercler. Tournoyants, virevoltants, menaçants. Où suis-je? Un champ. Etrange comme l'air y est lourd. Le ciel me frôle les cheveux, d'un noir qui déteint sur ma peau, sur mes bras, mon nez, mes lèvres. J'ouvre la bouche, je crie, je sombre. Des coquelicots partout. Je me retourne, essayant de prendre repère dans cette vision affolante. A l'horizon, le rouge et le noir ne forment plus qu'une épaisse masse cotonneuse. Je tends les mains, cligne des yeux. Comme ils sont secs, ils brûlent, je pleure. De toutes mes forces j'avance dans cette folie. Je sens la sueur couler le long de mes tempes, perler dans mon dos et mouiller mes paumes. J'avance encore. Soudain je tombe. Je sens mes muscles se crisper et mon cœur s'arrêter une fraction de seconde. Les coquelicots laissent place au néant. Un néant rouge, doux, souple. Où suis-je? Suis-je dans un rêve ou suis-je éveillé? Je ne sais pas. Je ne ressens plus rien. Ou si, justement, je ressens quelque chose. Agréable et étrange. J'ai passé une frontière. De ce côté-ci, on ne revient pas en arrière. Je laisse derrière moi tout ce que je pensais savoir. Mon esprit s'ouvre comme une fleur qui éclot. Je souris. Et je danse. Je danse à l'infini. 

Justine



J’me voyais déjà… 

Petite, je n’avais que des tutus rouges et des pointes rouges. 
Tous mes professeurs toléraient ce petit caprice, tant j’étais une élève appliquée, tant mes progrès étaient constants. Je rêvais de devenir une star, une étoile. Je voulais être le cygne blanc et le cygne noir, tant ’’Black Swan’’ m’avait marqué. Plus tard, je serais, tout à la fois, la grâce et l’innocence, la ruse et la sensualité. Je serais la tulipe rouge de la dance, le symbole de l’amour éternel de mon public, de mes fans, de mes adorateurs. Je serais celle qui aura mis cet art à la portée de tous. Comme disais Aznavour, je m’voyais déjà… 
Et puis le temps a passé. Jour après jour, je perfectionnais mon style avec des chorégraphies de plus en plus ingénieuses et inattendues, complexes et sophistiquées, sans me rendre compte que, petits pas après petits pas, figures après figures, je m’éloignais de mes spectateurs, que je ne dansais plus que pour une élite avertie, que mon public ne me comprenait plus. 
Alors, pour le reconquérir, j’imaginai un nouveau ballet, fait de quarante-neuf pas et de six petits sauts, une merveille de fluidité teintée de détermination qui, à coup sûr allait remporter un franc succès. 
Hélas, le remède fut pire que le mal et je fus huée, sifflée, conspuée. On m’accusa de prendre les gens pour des gogos, de me moquer du monde, même de trahir ce que j’avais été par le passé. Dès lors, je ne parvins plus à trouver le moindre engagement. J’étais bannie du monde que j’avais tant voulu conquérir. 
Aujourd’hui, mon ensemble rouge, il y a vingt ans que je le porte et je suis bien loin de la tulipe écarte dont j’avais rêvé. 
Je ne suis plus qu’une pale tulipe de hollande, surnommée ’’Valse du Quarante-Neuf-Trois’’. 

Pierre