Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du premier mercredi

Inventaire : mes petites manies 


- Faire mon lit tous les matins
- Enfiler mon chausson droit avant mon chausson gauche les jours impairs, et inversement les jours pairs
- Mettre la table du petit déjeuner la veille
- Compter les personnes assises dans ma voiture de RER
- Essuyer les traces d’eau sur mon évier en inox
- Collectionner les pièces de 1 centime
Hélène

Courrier en réponse à une petite annonce 


Divorcée depuis fin octobre 2015, je souhaiterais avoir des ami(e)s pour rompre la solitude. J’aime beaucoup écrire et faire de nouvelles connaissances. Je suis dynamique, âgée de 73 ans, et j’aimerais échanger des idées. N’hésitez pas à me contacter, je répondrai à tous les courriers. Dans l’attente de vous lire. 
Jeannine Pontmoineau


Fernand Pontcorbeau 
6 rue du chant des oiseaux 
94120 Brie-sur-Marne ; fernandcuicui94@gmail.com

Chère Jeannine Pontmoineau,

C’est avec un grand intérêt que je découvre ton annonce. 
Je m’appelle Fernand Pontcorbeau, j’ai 74 ans et suis veuf depuis deux mois. 
J’ai lu que tu habites Champs-sur-Marne et moi, je vis à Brie-sur-Marne. 
Aussi, je pourrais te rendre visite facilement lorsque les policiers me rendront ma voiture sans permis qu’ils m’ont confisquée prétendant que ne buvais pas que du café au lait. 
Moi aussi, j’aime beaucoup écrire. D’ailleurs, j’avais pris l’habitude d’adresser à mes voisins des lettres anonymes un petit peu calomnieuses ou osées, juste pour rire. 
Malheureusement, ils m’ont découvert et je te prie de croire qu’ils n’ont aucun sens de l’humour. Depuis, je me sens isolé et, tout comme toi, j’ai besoin de rompre la solitude. 
Je serais très heureux d’échanger des idées avec toi, car figure-toi que j’ai des opinions sur tout et que je n’hésite jamais, ni à les exprimer, ni à les défendre lorsque mon contradicteur n’est pas d’accord avec moi. 
D’ailleurs, feu mon épouse, paix à son âme, me disait toujours : « il faut toujours que tu la ramènes Fernand, même quand tu as tort, et moi, j’ai honte mais j’ai honte ! » Voilà, je suis impatient d’avoir de tes nouvelles.


Fernand (Éric) 
 * 

Bonjour Fernand, 

Quelle joie de trouver ta lettre ce matin dans ma boîte aux lettres ! 
Pauvre Fernand, veuf depuis deux mois, comme cela doit être dur pour toi. 
Je comprends bien que tu aies eu besoin de boire un petit coup dans ces circonstances. 
Pourquoi ne pas avoir parlé aux gendarmes ? Je suis sûre qu’ils t’auraient rendu ton auto. 
Quant aux lettres anonymes, tu n’auras plus besoin d’en envoyer maintenant que nous nous connaissons. Ah ! Les gens manquent singulièrement d’humour. 
Je viens juste de quitter mon groupe de prière. 
Mes compagnons sont adorables et généreux et nous rions beaucoup en partageant du thé et des gâteaux. 
Je suis sûre que tu aimerais échanger des idées avec eux. 
Deux d’entre eux rentrent d’Inde où ils ont passé plusieurs mois dans un ashram. 
Je n’ai jamais osé voyager aussi loin et mon ex-mari ne se plaisait que dans notre maison de famille au bord de mer. 
Nous l’avons vendue et je compte bien profiter de ma liberté pour découvrir le monde en voyage organisé. 
Dans l’attente de te lire, cher Fernand, je te souhaite de belles journées d’été. 

Jeannine (Roselyne)

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Réponse à un "avis de recherche" de Suzette Pichon

Chère Suzette, 

C’est avec bonheur que je suis tombée, par hasard, sur votre avis de recherche paru dans Notre Temps. En effet, je suis la nièce de Nadia Pourriot, et je me réjouis de constater que d’anciennes amies pensent encore à elle après de si nombreuses années. 
Ma tante a quitté le sud de la France avec beaucoup de tristesse, mais afin de ne pas assombrir l’enthousiasme de son père - qui était si fier d’avoir obtenu une mutation au bureau de poste de Fort Mahon (il est devenu receveur en chef) - elle lui cacha ses sentiments et noya son désespoir dans la musique : elle qui aimait particulièrement Salvatore Adamo - comme vous le notez dans votre avis de recherche -, elle se mit à vouer à ce chanteur un véritable culte, l’écoutant sans cesse sur son tourne-disque puis grâce à un walkman lorsque cet appareil fit son apparition. Elle lui écrivait même des poèmes - combien en a-t-elle envoyé à sa maison de disques, je ne saurais vous dire ! -, collectionnait revues, magazines et posters de lui, en gardant constamment sur ses oreilles ses précieux écouteurs d’où s’échappait la musique salvatrice. 
C’est ainsi qu’un jour de novembre, jour de forte tempête, alors qu’elle se promenait sur la jetée avec son casque sur les oreilles, elle n’entendit pas l’immense vague arriver. Celle-ci l’emporta et la projeta avec fracas contre les rochers se trouvant en contre-bas de la jetée. Par miracle, un passant assista à la scène et parvint à la secourir avant que les flots ne l’emportent au large.
Malheureusement, elle garda de ce terrible accident de graves séquelles, aussi bien physiques que psychologiques, et attend depuis que les journées passent à l’hôpital de Berck-sur-Mer, où les soignants, particulièrement attentionnés, lui permettent d’écouter Adamo sur un lecteur MP3 qu’elle ne quitte pas, tandis qu’elle regarde la mer assise dans son fauteuil roulant. 
Je suis certaine qu’une visite de votre part lui ferait le plus grand bien, alors n’hésitez pas à passer la voir.

Bien à vous, 

Francesca Pourriot (Hélène) 

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Réponse à la lettre envoyée à Jeannot, dit Lapin 

Mon cher Yourick,

Quelle joie de te lire après toutes ces années ! Il est vrai que nous avons passé d’agréables moments durant cet hiver 1974. Il faut dire aussi que les enfants, à cette époque, n’étaient pas encore les sauvageons que la France allait connaître plus tard ! 
Lorsque nous étions animateurs au village d’enfants de la Bourgoule, j’ai toujours essayé de me positionner en tant que passeur : de valeurs, d’histoire, mais aussi, comme je l’ai fait avec toi, de connaissances sur les origines de l’humanité. Je vois que tu n’as pas oublié nos discussions autour du feu de camp sur l’homme de Cro-Magnon : lui aussi était un passeur, il nous a transmis des éléments de sa vie quotidienne et spirituelle par les objets et les dessins qu’il nous a laissés. Nous avons tous notre place dans cet univers et je constate que tu as su trouver la tienne après ton expérience auprès des enfants. 
Moi-même je jouis d’une retraite apaisée dans le Maine-et-Loire, où je vis seul, avec, toutefois, deux ânes (Félix et Alfred) qui me tiennent compagnie. Je n’ai jamais eu d’enfants, je crois que j’ai eu ma dose durant les dix années passées avec ces sales garnements de la Bourgoule. J’ai essayé de ne jamais le montrer, mais qu’est-ce qu’ils ont pu me casser les pieds ces gosses, de vrais démons ! Je comprends pourquoi les parents nous les confiaient, ils devaient en baver à la maison… Et, bien sûr, c’était à nous de les supporter pendant un mois ! Enfin, je digresse, et j’oublie de te dire que je serai ravi de te rendre visite dans la Sarthe.

À bientôt donc, 

Jeannot (Hélène)