Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 5e lundi


Cadavres exquis


Je suis iconoclaste 
C'est parce que tu n'es jamais allé au zoo 
Tu devrais peut-être aller voir le psy.

Si j'étais une cuillère 
Tu serais très heureux 
Et tu rédigerais une belle dissertation de philosophie.

Exercices de style 


Texte de départ


Une jeune femme dans sa cuisine, vêtue d’une robe à fleurs avec un tablier blanc par-dessus. Sur le plan de travail, un livre de recettes ouvert à la page « bœuf bourguignon », et une radio allumée. La femme sort une boîte du placard et voit qu’il n’y a plus de farine. Elle saisit son sac sur la console de l’entrée, et se rend au supermarché qui fait l’angle. Au rayon pâtisserie elle hésite entre une farine traditionnelle et une farine bio ; elle choisit la première. Un client lui sourit, elle croit qu’il la trouve jolie, puis se rend compte qu’elle n’a pas enlevé son tablier avant de partir.


Philosophique


La jeune femme étudiait la recette du bœuf bourguignon dans sa cuisine ; elle pensait donc elle était. Les animaux étaient-ils des êtres à part entière ? Avaient-ils une âme ? Avions-nous le droit de les manger ? Elle décida que oui.
Il n’y avait plus de farine, elle aurait pu y voir un signe de l’univers qui l’incitait à changer de recette, mais elle tint bon. le supermarché était ouvert, nous étions pourtant dimanche, symbole du consumérisme ambiant. Il y avait beaucoup de choix au rayon farine. Mais était-ce vraiment un choix ? Ne sommes-nous pas prédisposés à opter pour telle ou telle farine selon notre classe sociale, notre environnement ?
Quand un client lui sourit, elle fut d’abord flattée avant de se rendre compte qu’elle avait oublié d’enlever son tablier. L’homme est un loup pour l’homme se dit-elle, et elle rentra chez elle.

Mathilde

Chanson


Fleur des villes
sur l'air du Tourbillon, Rezvani- Jeanne Moreau

Elle avait un' jolie robe à fleurs bleues
Un tablier blanc
Un air à croquer
Elle aimait les fleurs
La pâtisserie
Et moi je l'adorais.

Elle m'a dit « J'te fais un bon p'tit plat
Un boeu-fe bourguignon
J'lui ai dit « Chérie si j'tavais pas
Il faudrait t'inventer !
Elle a pris sa r'cette
Sorti sa marmite
Son boeuf ses cuillers du sel et du poivre
S'est mise à touiller verser remuer
En chantant à pleine voix.

Soudain j'ai entendu son cri « Zut ! Je n'ai plus d'farine !
La pauvre était toute marrie
J'aurais voulu la consoler
J'aurais voulu la consoler.

Avant qu'j'ai dit « ouf »
Elle était dehors
Par la f'nêtr' j'lai vue
Au supermarché
Elle s'est précipitée.

Elle avais sa jolie robe à fleurs
Son p'tit tablier blanc
Son air à croquer ma fleurs des villes
Ah oui je l'adorais.

Elle est revenue
Rouge comme une pivoine
J'lui ai dit Qu'est-ce t'as,
Pourquoi t'es toute rouge ?
Elle m' regardé
A tergiversé
Puis m'a tout raconté

Un client lui avait souri
Son charme avait-elle cru
Mais non c'était son tablier
Qu'elle n'avait pas enl'vé
Qu'elle n'avait pas enl'vé !

Muriel

Joyeux


Lucie est enthousiaste aujourd’hui. Elle a réussi à inviter à diner le jeune homme dont elle est amoureuse platonique. Elle sait qu’il adore le bœuf bourguignon et décide de lui en préparer un.
Un grand sourire aux lèvres, elle se choisit sa robe violette à fleurs et, pour ne pas la tacher enfile un joli tablier blanc. Elle court en dansant dans sa cuisine, prélève le Larousse de la Gastronomie dans sa bibliothèque et cherche avec entrain la recette du bourguignon. 
Elle allume la radio sur Rires et Chansons, entreprend de vérifier que tous les ingrédients sont là : le vin de Bourgogne, la joue de bœuf, les oignons, les pommes de terre, le bouillon de bœuf et… mince ! le pot de farine est vide ! « Pas grave » lâche-t-elle dans un éclat de rire, « je vais descendre acheter un paquet de farine ».
Elle ouvre la porte, descend l’escalier en chantant « Y'a d'la joie » de Charles Trenet, fait les 15 mètres qui la séparent du Franprix, court directement au rayon des farines et constate qu’il y en a deux sortes, l’une traditionnelle et l’autre bio. « Allez, se dit-elle, on ne va pas chipoter ». Elle saisit la farine bio à la volée et court vers la caisse. Dans la queue, il y a trois clients devant elle. Le monsieur qui la précède l’accueille avec un grand sourire séducteur, la regardant d’un œil amusé. Interdite pendant une seconde, elle comprend alors, dans un nouvel éclat de rire communicatif qu’elle a omis d’enlever son tablier blanc et que le monsieur en question trouve sa tenue rigolote et pleine de charme.
Patrice

Déprimé


La femme, vêtue d’une robe à fleurs démodée, le cheveux gras, un tablier sale, regardait dépitée le livre de recette. Un bœuf bourguignon, comme c’est compliqué, je n’y arriverai jamais, pleurnichait-elle. la radio passait une chanson triste. Elle ouvrit le placard et se mit à pleurer : il n’y a plus de farine…
Elle se rendit au supermarché, elle était complètement perdue : farine traditionnelle, farine bio, pourquoi rien n’est simple ?
Elle se mouchait bruyement lorsqu’elle remarqua un client qui lui souriait. Elle se sentit flattée, et son moral remonta en flèche. Mais très vite, la triste vérité la rattrapa : elle avait oublié d’enlever son tablier : c’était juste un sourir moqueur. Elle aurait du s’en douter, personne ne la remarquait jamais. Elle était trop nulle, trop moche, et de toute façon, son bourguignon serait raté, comme tout ce qu’elle entreprenait.

Mathilde

Précis 


Bérénice Florian, jeune femme de vingt-trois ans, se tenait à dix heures quinze dans sa cuisine IKEA, vêtue d’une robe à fleurs de LA REDOUTE, un tablier de lin blanc LINVOSGES par-dessus. Sur le plan de travail en quartz rouge un livre de recettes de Bocuse, Editions Hachette 1979, ouvert à la page 123, « Boeuf bourguignon » et une radio TELEFUNFEN allumée sur FRANCE-INTER où passait l’incontournable émission de Raymond Oliver « La Cuisine pour les Nuls ». Bérénice sortit une boîte en fer blanc de son placard, situé à droite de la fenêtre qui donnait sur cour, et vit avec ennui qu’il ne restait plus de farine.
La svelte jeune femme saisit son sac à bandoulière en cuir beige sur la console d’acajou verni à trois pieds dans l’entrée lumineuse de son trois-pièces cuisine, au onzième étage d’une tour du treizième, dans la partie chinoise de Paris, près de la Porte d’Italie, et se rendit au pas de course au supermarché AUCHAN qui venait d’ouvrir récemment à l’angle de l’avenue de Choisy et du boulevard Massena, selon la nouvelle politique des hypermarchés. Au rayon pâtisserie, elle hésita un instant entre une farine traditionnelle 80 T et une farine bio BÖRG 65 T, mais choisit la première qui coûtait un euro de moins. Dans la file d’attente de la caisse, un client chinois distingué à lunettes de monture métallique noires rectangulaires, vêtu d’un costume anthracite, sourit discrètement en la regardant. Habituée aux hommages masculins, elle crut qu’il la trouvait jolie, comme toute jolie femme qui reçoit son comptant de regards appuyés et de réflexions galantes plus ou moins délicates, puis se rendit compte en rougissant jusqu’à son décolleté qu’elle n’avait pas enlevé son tablier blanc avant de se précipiter dans l’ascenseur. Heureusement du moins était-il sans tache!

Muriel

Interrogatif


Il y avait cette femme - jeune? vieille? difficile à dire... jeune peut-être - elle portait une robe à motifs, mais quel genre de motifs, je ne sais pas. Avec un truc blanc par-dessus. Qu'est-ce qu'elle faisait dans cette cuisine, avec ce livre et cette radio? Vraiment, je ne vois pas. Elle était là, sur ce point au moins pas de doute, elle était là, et puis elle a fait quelque chose, il me semble qu'elle a ouvert un placard, ou une boîte, ou les deux... Une sombre histoire de talc, ou de cocaïne; non, de farine. Et là, je ne sais pas pourquoi, elle a pris un sac, elle a ouvert la porte et elle est partie.
Et après? Eh bien après, à ce qu'il paraît, elle est allée à Franprix, ou Monoprix, ou Prisunic - ça existe toujours Prisunic ? Maintenant que j'y pense, non, ça n'existe plus, je me demande pourquoi, c'était très bien Prisunic. Donc cette femme avec sa robe et son tablier (parce que ça m'est revenu, le truc blanc c'était un tablier de cuisine), donc cette femme est allée dans un supermarché, et elle a acheté quelque chose. Elle est ressortie le visage tout rouge. Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans ce supermarché pour la faire rougir comme ça ? Et pourquoi cet homme qui est sorti juste après elle avait-il un large sourire ? Je me le demande.

Vanessa

Subjectif : le client


Ah, les amis, il faut que je vous raconte un fait divers que j’ai vécu aujourd’hui. 
J’étais au Franprix de la rue de Charenton et je me cherchais un bon vin blanc à boire ce soir avec les fruits de mer. Brusquement je vois une belle jeune femme vêtue d’une robe à fleurs violette avec un tablier blanc autour de la taille faire irruption dans le magasin en chantonnant. Je ne peux détacher mes yeux d’elle, tant elle est charmante et étonnante aussi bien dans son accoutrement que dans son attitude.
Je la vois courir au rayon boulangerie, hésiter une seconde puis saisir à la volée un paquet de farine et venir se poster derrière moi dans la queue. 
Je suis à la limite de la drague, tant mon sourire doit être éclatant. Je la vois qui s’arrête, me fixe, remarque mon sourire enjôleur et, subitement, part dans un éclat de rire lorsqu’elle se rend compte qu’elle a gardé son tablier et que c’est probablement la cause de mon sourire intéressé. 
C’était juste pour noter qu’il y a des personnes qui respirent la joie de vivre au quotidien. 
Patrice

Quatrième de couverture


Le Bourguignon, roman, par Lucette Bilboquet
aux éditions "Au fil de l'eau"

Une jeune femme doit recevoir ses beaux-parents à dîner ; elle décide de leur préparer un boeuf bourguignon. Sur ce point de départ anodin, Lucette Bilboquet déroule une série d'événements qui révèlent la complexité des relations humaines : partage des tâches dans le couple (pourquoi n'y a-t-il plus de farine?), expression d'amour à travers la réalisation d'un plat compliqué, possibilité de rencontres nouvelles dans les rayons d'un supermarché... L'auteur n'élude aucune des grande questions qui agitent notre époque ; ainsi, la scène de la farine est un condensé du débat sur l'agriculture raisonnée et l'alimentation équilibrée.
Un premier roman subtil, drôle et émouvant. 

Vanessa

Poème


Une belle jeune femme s’affairait en cuisine
Recherchant simplement un vieux pot de farine 
Qu’elle avait semble-t-il rangé dans le placard 
Mais peut-être également dans un casier du bar

Quand après ses recherches enfin elle le trouva 
Elle comprit tout de suite que le pot était vide 
Et courut en riant au magasin d’en bas 
Pour en trouver… impavide

Poussée par son élan elle parvint au rayon 
Et y prit la farine pour faire le bourguignon 
Elle avait invité un homme qu’elle aimait 
Mais qui ne savait rien de ce qui se tramait

De retour à la caisse elle aperçut alors 
Le sourire enjôleur d’un client vers elle dirigé 
Flattée par ce regard elle avait cru d’abord 
Qu’il l’appréciait ainsi à cause de sa beauté 

Mais elle se rendit compte dans un éclat de rire 
Qu’elle n’avait pas ôté son beau tablier blanc 
Elle n’aurait pu trouver quelque chose de pire 
Si elle avait voulu séduire le ban et l’arrière ban

Patrice 

Scriptoclip


chat, oreille, couper, charbon, marmelade, interrogation, cactus


Le Bougnat

« Cha alors ! Comment cha va-ti ?, demanda le bougnat, cha fait longtemps qu'on ne vous a pas vu ici ! » Son interlocuteur lui répondit d'une voix si basse que le bougnat dut tendre l'oreille. « J'étais au frais ... ». « Ne m'en dites pas plus, mon pauvre !..Mais dites-moi plutôt comment je peux aider. Je vous offre du charbon pour redémarrer le poêle ? »
« C'est bien gentil, répondit l'homme, mais un pot de marmelade ferait mieux mon affaire, je n'ai plus rien à mettre sur mon pain. »
Le bougnat retint toutes ses interrogations par discrétion et prit un pot de marmelade sur une étagère. « Aïe !, cria-t-il, le doigt sanglant. Fouchtra, je me suis encore piqué sur ce maudit cactcuche que mon morveux de fils ch'obchtine à cultiver.
Muriel


J’avoue ne pas aimer les chats plus que de raison. Ce que j’aime le moins chez eux, c’est le langage de leurs oreilles. Je n’irais pas jusqu’à vouloir les leur couper mais enfin… Quand un chat est sur des charbons ardents, il vous fixe de ses yeux de Méphistophélès. Heureusement il ne mange que des croquettes et ne vient jamais manger ma marmelade. D’ailleurs, j’ai une interrogation au sujet de ma haine de ces félins. Que voilà une plante, le cactus, que j’aimerais subrepticement glisser dans le couchage de mon félin préféré.
Patrice


- Je crois que je vais donner ma langue au chat, ou mon oreille au ouistiti, comme on dit au Gabon, parce que vraiment... 
- Désolé de te couper la parole, intervient Paulo, mais c'est de la triche de ne pas répondre. On t'a proposé une devinette, à toi d'aller au charbon ! Béatrice réfléchit. 
- Ce n'est pas facile, je sors d'une grippe, j'ai le cerveau en marmelade. Et puis j'ai du mal avec les interrogations. - Pf, dit Paulo. 
- Ne fais pas ton ronchon, on dirait un cactus quand tu est comme ça. C'était juste un jeu, ce n'est pas bien grave !
Vanessa