Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 10e atelier


Écrire avec une syllabe imposée


Dépossédée de tout désir, Déborah sentie le désespoir se déverser en elle. Son nid délicieux et délicat était, sous ses yeux, dévoré par d’énormes flammes. Une fumée sombre comme un démon décuplait le désolant désastre qui se déroulait.

Nicole H.

À partir d'une situation


Plus la distance se réduisait entre eux, plus Quentin trouvait la démarche et la face de Timothée annonciatrices d’une sorte de drame. À un mètre de lui, il constata qu’il pressentait vrai.Timothée avait perdu en hauteur et se tenait courbé sur ses genoux repliés, lesquels sortaient à nu de son jean. À la vue de son ami les cheveux en bataille, la lèvre tuméfiée et l’œil droit horriblement maquillé, Quentin s’écria :
- Mais, tu as l’œil au beurre noir ! Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? Repose-toi sur moi, tu ne tiens plus debout.
- Je… Je…  Timothée laissa tomber deux dents, un filet rougeâtre vint tinter sa lèvre noircie et lézarder son menton bleui.
- Fe… Fe… me fuis fais agre… agre… agreffer par deux géants cagoulés…
Fermant l’œil qui lui restait, il s’affala sur le banc de bois plus dur que jamais.
- Ils t’ont pris quelque chose ? 
- Mon téléphone, ma facofffe 
- Les salauds !!! Tu sais par où ils sont partis ?
- Non ! Ils m’ont frappé, je fuis tombé sur les venoux… 
- On attend un peu, dès que tu es en état, je t’amène à la pharmacie là-bas et je cours au commissariat le plus proche.
Timothée eu un haut le corps, un jet puissant vint reboucher les trous de son jean. En deux secondes Quentin aspergea son ami avec le litre et demi d’eau de La Tour du Pin qui dépassait de son sac. Timothée en ressentit comme un léger bienfait. Il voulut s’exprimer, mais c’est une troisième dent qui lui échappa cette fois-ci.

Nicole H.

Écrire à plusieurs


Hier au marché de Daumesnil j’ai entendu un dialogue entre la poissonnière et le fleuriste dont les étals se font face… 
— Belle, elles sont belles mes tulipes
— Beau il est beau mon cabillaud!

J’adore mon marché Daumesnil. toujours très animé, et comme toujours bien achalandé. Fruits et primeurs, viandes, poissons, casseroles et autres produits pour la maison. Mais j’avoue avoir une faiblesse pour la poissonnière, qui a toujours la bon mot pour attirer le client. Ah oui, il est beau son cabillaud, mais cher, il est cher son filet de Saint-Pierre…

J’y vais généralement dimanche matin. L’ambiance et très sympa, on slalome entre les poussettes, les caddies, les chiens. Ça me rappelle les marchés du sud, très hauts en couleurs et en parfums. La poissonnière se repère de loin. Elle a une voix qui porte, et sa carrure est impressionnante.

Elle a ses clients attitrés qu’elle chouchoute avec beaucoup de considération. Pour ces privilégiés, le cabillaud n’est pas aussi cher que pour les autres. La poissonnière a vraiment recréé un système de classes. Si je veux manger du poisson, je n’ai qu’une solution: me mettre bien avec elle. Je m’avance vers son étalon grand sourire aux lèvres, et je susurre:
— Que votre cabillaud est joli! Que votre Saint-Pierre me semble beau! Sans mentir, vous êtes la plus parfaite marchande de ce marché. 
Elle se tourne vers moi avec mins de douceur que je ne l’avais espéré, et aboie: 
— On fait la queue, comme tout le monde!
Je suis rentré chez moi honteux et confus, en jurant qu’on ne m’y reprendrait plus.

Annie, Louis, Maris-Claudine, Vanessa 

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En ce moment, j'en ai marre... ! Marre de scruter jour après jour la météo. Cette météo qui ne change pas depuis plusieurs mois. De la pluie, presque tous les jours, du vent, et des températures si basses pour un printemps qui n'arrive pas, alors que l'été pointe le bout de son nez... En tous cas sur le calendrier ! Le changement climatique... C'est maintenant !

L'an dernier, à la même époque, on avait affronté une semaine de canicule, début juin. Je m'en souviens, je me suis précipitée chez Darty acheter un super ventilateur Dyson. Par contre, il pleuvait pour la fête de la Musique, ce qui l'a gâtée, forcément. On ne peut pas faire de projets avec les prévisions météo qui ne tiennent pas la route. Ça ne vaut pas la peine de voyager si c'est pour se retrouver dans des pays inondés.

Et puis, bon, j'ai décidé d'arrêter de ronchonner et, mouillée pour mouillée, j'ai pris un billet pour l'Indonésie. C'est un des pays les plus touchés par les pluies torrentielles et les tsunamis. Après ce printemps pluvieux, je me sens prête à affronter encore plus d'eau, et au moins je verrai du pays, entre les gouttes.

Ma valise est fin prête, ma sacoche, mes billets, mes papiers. Plus qu'à faire un dernier tour par précaution dans la maison. Allez hop, en route pour l'aventure ! Je serai largement à l'heure à l'aéroport de Genève, le taxi est déjà devant ma grille. Mais, qu'est-ce-que c'est que ce grondement effroyable ? 
France 3 Régions :
« Chers téléspectateurs, nous apprenons à l'instant qu'une effroyable coulée de boue et de pierres a entièrement emporté tout un village de Savoie, à Belregard. Le torrent a débordé avec violence, ses rives montagneuses se sont écroulées. Miraculeusement tous les habitants sont indemnes, sauvés à temps par un ballet d'hélicoptères dès le début. Mais leurs maisons sont englouties. Nous faisons appel à votre solidarité ».

Louis, Marie-Claudine, Vanessa, Muriel

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L'homme sortit de sa cabane de rondins. Il ferma sa veste en peau de buffle, prit un bâton de marche noueux posé contre le volet de la porte, ajusta son bonnet de loutre, et s'éloigna dans l'aube naissante, vers le bois de bouleaux, un grand sac de toile gris jeté sur son épaule. Son berger allemand lui emboîta le pas en remuant la queue. Il savait ce qui les attendait dans la forêt.

Les deux compagnons s'y enfoncèrent une heure durant au plus profond. Ils en étaient au cœur. Curieusement les hauts arbres s'espaçaient, les buissons ne voulaient plus stopper leur marche et les hautes herbes se faisaient plus douces pour ne point les ralentir encore. Stocker reniflait le sol de plus en plus bruyamment, soulevant de petites mottes de terre. C'était un chien exceptionnel qui cachait bien son jeu.

Il chassait les Indiens, c'était sa spécialité. L'homme, Bud de son petit nom, avançait sans percevoir quoi que ce soit. Stocker grogna et fila très vite vers ce que Bud pensait être des fleurs printanières. L'innocent ! Stocker avait levé... deux Indiens Manitoba dont les plumes dépassaient un petit monticule de terre. Ils se levèrent en hurlant, se frappant la poitrine, retroussant les lèvres à la manière d'un... Stocker prit peur et vint se réfugier auprès de Bud qui avait suivi la scène avec étonnement. Il pensait que son chien ne faisait qu'IMAGINER des Indiens Manitoba. De là à en voir réellement !...

En fait, avec une grande joie, il put enfin pratiquer la langue indienne qu'il avait apprise auprès de deux amis Comanches qu'il avait rencontrés en Iowa. Il leur adressa donc la parole, dans la langue parlée par les Comanches.
- « Bonjour les amis, comment allez-vous ? Je suis un grand ami des Indiens et suis pour un vrai rapprochement avec vous ».
- « Hugh, répondit l'un des deux Manitobas. Nous pas comprendre le Comanche. Nous parler anglais ».
- OK, how are you ?

Muriel, Nicole, Jacques-André, Patrice

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Enfin ! C'était le premier jour des soldes. Arnold allait pouvoir se rhabiller de la tête aux pieds. Pendant toute la durée de son mariage, c'est Élodie qui choisissait ses vêtements, elle lui avait donné du style, c'est vrai, mais enfin...ce n'était pas son style ! Trop décontracté-chic, trop de baskets en cuir noir et de pulls en cachemire. Désormais Arnold allait s'autoriser plus de fantaisie. Il entra dans la première boutique...

La techno lui déchira les oreilles. Un vendeur repéra son hésitation, se précipita « Je peux vous aider ? ». Arnold balaya du regard les portants, les étagères, les mannequins. Tout était dans le même style que le vendeur. Tee-shirts acidulés, jeans troués et rapiécés, shorts effrangés, baskets fluo oranges et jaunes, formes asymétriques, bandanas aux couleurs vives.
- Euh, non, répondit Arnold, je crois que je me suis trompé.
- Attendez, répondit le vendeur à la narine transpercée d'un anneau, regardez cette tenue, ça vous changerait !

Après un déhanché spectaculaire, le vendeur exhiba sous son nez un blouson de daim modèle années 50, mais d'une merveilleuse couleur orange. Un second déhanché fit apparaître un pantalon de lin vert sapin d'une coupe nonchalante et parfaite. Il tendit les deux pièces à Arnold qui n'en croyait pas ses yeux, mais hochait la tête dans une sorte d'approbation. Le vendeur revint vers lui presque essoufflé et lui tendit un T-shirt de coton bio, blanc et épais, de couleur rosée. 

Arnold se dit qu'il aurait peut-être l'air d'un sapin de Noël avec l'orange, le vert et le rosé ! Mais il se dirige vers la cabine d'essayage d'où il ressort métamorphosé. Un look rétro qui sort de son confort et évite les pseudo-vêtements vendus très cher. - Vous n'auriez pas un chapeau texan en rayon ? Le vendeur se déhanche une nouvelle fois et le miracle devient réalité. Il lui présente un magnifique Stetson plus vrai que texan. Arnold se regarde dans la grande glace. Stetson au top, veste bien frangée, pantalon moulant.
- Waouh ! s'écrie une cliente. Il lui jette un clin d'oeil : 
- Pas mal, hein, Baby?


Vanessa, Muriel, Nicole, Jacques-André

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Un matin vers 6h, j’ouvris un œil et vis un animal sauter sur mon lit. C’était un rat. Il s’approcha de moi et se mit à me regarder fixement. J’en fis de même et nous passâmes une minute à nous toiser. Je me levai lentement et allai ouvrir la fenêtre avec l’espoir que le rat se sauverait. Tu parles … Il ne bougea pas d’un iota et continua à me fixer. Je crus même déceler un vague regard ironique de sa part …

Mais en le regardant plus attentivement, je vis plutôt de l’empathie dans cet œil morose, rond et très vif. Ben tu viens d’où ? me surpris je à lui dire ... Il tourna la tête vers la fenêtre entrouverte. Puis son regard s’arrêta sur la photo de Basthet, ma chatte hélas disparue. Et moi de dire, t’inquiète, elle n’est plus là et d’ailleurs je suis sûre que vous auriez pu dialoguer.

Ah, ce rat des villes … Il avait un air presque humain … Imaginer qu’il puisse penser, en regardant une simple photo, que ma chatte aurait pu lui parler ou le chasser… Je divague… Cette bête, moche et sale (c’est ce que je ressens) est là, à cause du laisser- aller des services de la mairie, incapables de traiter radicalement le problème. Et au contraire, constater que ledit problème prenait une ampleur exponentielle. Mais quand les rats de la ville de Paris iront voir si l’herbe est plus verte ailleurs ??

Soyons concret et réaliste. L’urgence est de contacter la Mairie pour lui demander d’intervenir, ou au moins pour l’informer de la situation. Même si les services municipaux ne prennent pas en charge les opérations de dératisation, ils peuvent au moins faire une campagne de sensibilisation et fournir une liste de sociétés spécialisées dans le domaine, et cete(ra). 

Patrice, Annie, Louis, Marie-Claudine

***

J’ai les palmes, le tuba, le short hawaïen, le chapeau de paille, la crème solaire hydrophobe, bon..., rien ne manque. Je suis prêt.
Alors, maintenant je vais où ?
À la mer bien sûr. Que dit le Net ?
La côte d’Azur ? Trop chère, trop bondée.
La côte d’Opale ? Trop glagla.
La Bretagne ? Tiens c’est une idée... Hum hum… Brigognan-Plages, tiens pourquoi pas ? L’hôtel Azur face à la mer. Je clique !

Et tout de suite, je déchante. La première information que je peux lire sur le site de l’hôtel est que celui-ci est complet pendant les deux prochains mois. Alors que moi, j’étais prêt à partir sous 24 heures. Que faire ?
Il me vient alors une idée : quand j’étais encore à la fac, j’avais fait la connaissance de Dino qui venait de Lorient. Et si j’essayais de le recontacter pour qu’il m’invite chez lui ?
Je consulte la liste de mes contacts et retrouve son numéro que je compose immédiatement. « Salut Dino, tu te souviens de moi ? Je suis Patrice. Nous nous sommes connus à la fac de Nanterre». Oui, bien sûr ! Que deviens-tu ?

Ça va, toujours dans la politique et la littérature. Et toi, que deviens tu ? Bof ! Tu sais, je travaille dans l’administration du port de Lorient…Pas très poétique, mais ça fait vivre.
Tu travailles au port de Lorient ? Quelle coïncidence, je suis en train de préparer un livre sur la vie des pêcheurs bretons du 19e siècle et j’ai quelques manques et besoin de photos. Tu pourrais peut-être m’aider ?
Génial ! Bien sûr ! Tu ne connaitrais pas un petit hôtel près de chez toi, pas trop cher ?
Patrice, idiot, viens à la maison, j’ai trois chambres et vue sur la mer.

Ah, ben dis donc, trop sympa ta proposition ! Mais tu sais, j’avais l’intention de venir dès demain. Tu es sûr que c’est possible ?
Ah, demain ? Écoute, j’avais prévu autre chose pour demain et les jours suivants, mais je peux peut-être m’arranger et différer mon programme. Je vérifie et je te dis. Ok, tu me rappelles rapidement ? Oui oui…
Au fond de moi, je me suis rendu compte que j’avais peut-être un peu exagéré et que m’incruster aussi soudainement était quelque peu maladroit. Oh, après tout, je reste optimiste. Le Dino, c’est un mec sympa et puis je ne lui ai rien demandé, c’est lui qui m’a proposé de m’inviter et de dormir chez lui…

Jacques André, Patrice, Annie, Louis